extraits 

                              SENTIMENT TROPICAL SUR L'INFIME

DEPUIS TOUJOURS ET A JAMAIS

Page 17

 


 

" L’amour ou son illusion, cueillis ne serait-ce qu’un instant éphémère, étaient pour lui un éternel présent, une présence indestructible. L’échec de l’amour idéal n’est nullement son reniement. Son éternité suffit. Cet amour-là est compassion, maturité, et ne connaît ni la souffrance, ni l’attachement. Seule, la paix du bonheur rassasié, un instant éternel.

Aimer, n’est-ce pas rester dans la solitude, sans jamais la contraindre, lui laissant l’envergure de la liberté de la mer ? N’est-ce pas juxtaposer deux solitudes éperdues face aux flots du quotidien ? N’est-ce pas, encore, supporter le vide de l’autre, ce grand silence du dénuement, son désert qui sous-tend un désir fou sans corruption, tel ce qui vous est donné et repris dans le même mouvement de Dieu ?

 L’anse des Cascades se refermait sur Philomène RICHEFEU, l’enserrant dans son heureux labyrinthe : la lumière et l’obscur, donnés à la fois en Daphné ROYAL, au large des brisants. L’amour malgré la mort. "

 


MALCOLMLAND - LE PAYS DU ZOZO

page 78

 

portrait de Malcolm de Chazal

 

" Les pensées inspirées, ça fait taire le tumulte du monde de la matière, la comédie humaine, l’indifférence. La pensée ingénieuse féconde, ouvre sur la transcendance, elle nous sort du désert des sens perdus. Et elle apporte la force de s’arracher. Et elle vous élève. Le poète enlève d’un côté et donne de l’autre. Il retire de l’ombre et vous enrichit de pure lumière. La vision est volupté. Qui devient orgasme. Sommet de fraîcheur. Grâce à lui, tout est vivant, comme au Paradis. Tout parle par sa lumière, sa couleur. Quoi de plus merveilleux que cette musique des sphères, ces paroles qui zozotent dans les airs comme un solfège de lumière, achevant de mûrir de simplicité. Ça va plus loin que des mots sertis à l’or fin, c’est de l’éternité murmurée. Mais combien sont-ils à l’entendre ? "

 


 

 

L’ILE FLOTTANTE

page 55

 

  

 " Le souffle qui parcourt le vide paraît moite et iodé. L’odeur coule aux narines comme les diamants au ruisseau. C’est peut-être un soupir exhalé du Saint-Esprit, mais on sait en vérité de Dieu qu’il vient des airs changeants et de la mer opaque ; qu’il porte dans son cœur bien sec quelques larmes d’embruns mêlées à des émanations musquées de goémons et crustacés à l’interminable décantation, et qu’il a un joli nom chuintant à l’exquise douceur : Alizé pour vous servir.

Annoncée par un chant de frégates du Pacifique très haut perdues, nos amis les alizés sifflent au creuset d’azur un petit air qui chante la vie des sphères. Ils jouent  à décoiffer les âmes qui regardent d’en haut les misères du monde et profilent bas ceux qui regorgent d’orgueil dans leurs flancs. Parfois, ils viennent se faire frissonner à écouter aux portes ce que les hommes chuchotent, balançant en représailles leurs bateaux et soulevant les jupes des femmes. Sur le rivage, jolie brise, petits moutons isolés, les filaos ont épousé l’allure dominante comme les paillassons s’abaissent humblement devant des supérieurs, se penchant sans rompre jusqu’au ridicule. On les prendrait presque pour des bulles de savon accrochées à un roseau pensant."

 


 

 

TOURISME VERT

page 75

 

 " Tout en chantonnant pour charmer les Ondines du lieu, le ciel s’est fendu et, sur une sente, Roshan a glissé. Bêtement. Terrassé par un piège de l’Eternel. La Nature l’a fait tomber. La Nature n’a rien fait pour le retenir. Elle nous l’a abîmé contre la chair nue d’un badamier. Ces cascades de Tamarin, il a dû les descendre plus de deux mille fois, mais c’est paradoxalement sur un chemin de ronde aux cailloux mauvais qu’il est entré au panthéon des alpinistes, sa terre promise.

Lui fallait-il donc revivre la chute originelle, heurtant de plein fouet sa terre natale, pour aller au ciel dans la plus belle fleur de l’âge ; toucher ainsi la sensation de liberté, libre plus que l’air, un instant si court ? Roshan s’en est allé par le bas, à la vitesse d’un épervier fondant sur la proie d’un destin inattendu, dans l’or de la simplicité et de la grâce qui l’emplissaient naturellement. Sans un cri. Tout de silence vêtu. Quelque chose du ciel le désirait pour grandir les rangs de lumière dans les jardins de Dieu. La légèreté de son âme a simplement rebondi sans mal sur le badamier dans un froissement d’ailes et de plumes, puis s’est élancée dans la clarté d’un ciel blanc, au-dessus du chaos, comme le ferait une mésange enfin libérée de sa cage. "